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LE PETIT NUAGE

 

 

L'ENFANT

     Joli petit nuage blanc, blanc comme la neige, et qui paraît si gentiment suspendu au ciel bleu, dis--moi, où vas-tu donc si vite ? Reste à cette place et regarde un peu vers ma fenêtre, Tu es si mignon, maintenant, tu ressembles à un mouton qui lève la tête.

LE NUAGE

     - Je ne puis m'arrêter, car le vent me pousse, me pousse toujours.

L'ENFANT

     - Grand vent, je t'en prie, ne souffle. pas si fort, laisse le- petit nuage blanc un peu tranquille.

LE VENT

     - Il est vrai, je pourrais bien me reposer, car je suis déjà très fatigué, j'ai beaucoup travaillé aujourd'hui : j'ai transporté une quantité de graines de sapin et d'autres plantes qui croissent sur la montagne.
     J'ai soufflé longtemps dans les voiles de ces barques que tu vois sur le lac ; ensuite, j'ai séché tout le linge qui est sur cette haie, et je sortais de la forêt tout essoufflé, lorsque, ayant vu le petit nuage blanc, là, tout seul, .j'ai pensé qu'il devait bien s'ennuyer, c'est pour cela que je suis arrivé en courant, et tu vois, je le pousse toujours.

L'ENFANT

     - Mais, dis-moi, où veux-tu donc le faire aller ?

LE VENT

     - Ne vois-tu pas là-bas, tout là-bas, à l’endroit où le soleil se couche, ces jolis nuages roses ? ce sont de petits amis qui l'attendent ; je l'amènerai jusque-là, puis, je me reposerai.

LE NUAGE

     - Merci, bon vent ; sans toi, j'aurais passé une triste nuit.

L'ENFANT

     - Mais, qu'as-tu fait, grand vent ? Tu as soufflé sur les jambes et sur la tète du mouton ; que c'est dommage ! Pourtant, le petit nuage est encore très joli, il ressemble à une grosse boule de neige.
     - Vou, ou, ou, e, dit le vent en soufflant plus fort.
     - C'est toujours plus joli, dit la petite fille en frappant des mains ; une belle couronne blanche, comme celle que maman a reçue le jour de sa fête.
     Le haut de la couronne s'amincit de plus en plus et s'ouvrit ; elle s'étendit entièrement, et le nuage ressembla bientôt à un long poisson blanc.

LE VENT

     - Nous allons, maintenant, aller très vite, car il nous faut -arriver là-bas avant la nuit.
     - Adieu, bon vent, adieu, petit nuage, dit la petite fille aussi fort qu'elle put, car ils étaient déjà très loin.
     - Au revoir, dirent les deux voyageurs en s'éloignant rapidement.
     La petite fille les suivit des yeux longtemps encore ; elle vit arriver le poisson près des autres nuages ;il se mélangea bientôt avec eux et devint de la même couleur. Le soleil descendit derrière la montagne : tout devint sombre. Marguerite ferma sa fenêtre et se coucha.
     - Ah! pensait-elle, je ne savais pas que le grand vent devait tant travailler. J'ai été bien paresseuse, moi qui n'ai tricoté que trois tours à mon bas. Mais, que fait le petit nuage rose? j'aimerais bien le savoir. Je suis sûre qu'il voyage toute la journée ; non, cela ne se peut pas ; maman m'a dit que tout le monde devait travailler.
     Ce doit être bien beau de se promener dans le ciel bleu ; puis d'aller voir où le soleil se couche. Ah ! si j'étais petit nuage, je ne tricoterais plus ce grand bas qui ne veut pas avancer.
     Ce fut en pensant au grand vent et au petit nuage rose qui, bien sûr, devait avoir quelque chose à faire, que notre petite fille s'endormit.
     C'est le matin : Marguerite vient de se lever. Elle va voir à la fenêtre s'il fait beau temps ; mais non, aujourd'hui on ne voit pas le ciel bleu, il est caché par de gros nuages que le vent pousse bien fort. De larges gouttes de pluie commencent à tomber. Oh ! comme elles frappent contre les vitres. Voilà une petite fille qui passe dans la rue sans parapluie, elle sera toute mouillée. J'entends le char de la laitière ; pauvre Nanette, comme l'eau dégoutte de son grand chapeau de paille ! L'âne n'a pas l'air trop content non plus ; il baisse tristement la tête ; je vais lui .donner un morceau de pain.
     Cela lui a fait plaisir, il a redressé les oreilles. Mais la pluie commence à s'arrêter. Elle aura bien arrosé mon jardin ; voyons si mes pensées auront relevé la tête.
     - Bonjour ! Bonjour ! Bonjour ! dirent une quantité de petites voix, lorsque la petite fille s'approcha de son jardin.
     - Qui m'appelle ? dit Marguerite en regardantde tous côtés.
     - Ici, ici, ici, dirent les petites gouttes d'eau qui étaient sur les feuilles.
     - Nous sommes le petit nuage blanc que tu as vu hier au ciel. Le frère du vent qui soufflait amoncelé tous les nuages pendant la nuit, et les a ramenés de ce côté ; tu le vois, nous sommes venus arroser ton jardin.
     - Gentil petit nuage, dit Marguerite, je savais bien que tu devais aussi avoir quelque chose à faire ; tu es bien bon d'avoir pensé à mon jardin.
     Dans ce moment, le vent, passant par là, secoua si fort les feuilles que toutes les petites gouttes d'eau tombèrent sur la terre. Il n'en resta plus qu'une sur une rose que Marguerite cueillit et porta à sa maman, en lui racontant l'histoire du petit nuage.

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